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L’acupuncture à quatre épingles

 

Deux cow-boys se tiennent derrière un tronc d'arbre, revolver au poing, encerclés par les indiens. L'un d'eux, touché de plusieurs flèches dans le dos, se relève soudain et s'exclame : "Hey... ils ont guéri mon arthrite !" Tout l’exotisme et la magie de l’acupuncture sont présents dans cet excellent dessin humoristique de Gary Larson. Humour seulement ? Pas si sûr. En Chine, une légende de ce type attribue la naissance de l'acupuncture à un général chinois, fortuitement guéri de sa maladie par une flèche dans la jambe.

 

Il est vrai que prendre une telle légende au pied de la lettre revient à considérer l'acupuncture comme une science née du hasard, et qui se serait développée de la même façon par tâtonnements successifs au fil des siècles. Les tenants de la science expérimentale, s'ils ne prenaient pas l'acupuncture pour un simple placebo, auraient de quoi être séduits par cette version. En réalité, l'origine de cette méthode millénaire semble essentiellement intuitive : il a toujours été des personnes capables de ressentir en elles-mêmes, et dans les autres, des courants et des points d'énergie. Le massage de tels points ne date pas d'hier, et pas seulement en Chine. Le génie chinois a surtout consisté à développer et rationaliser la théorie d'ensemble des points et des méridiens, et à trouver un moyen d'augmenter efficacement leur stimulation par la cautérisation (moxibustion) et l'insertion de fines aiguilles.

 

Un peu d’histoire

L’acupuncture remonte aux temps les plus anciens de la chine, à une époque correspondant à l’âge de pierre et aux sociétés tribales primitives ayant déjà domestiqué le feu et les animaux. Des recherches archéologiques (faites elles-mêmes en 1700 avant J-C !) ont permis de trouver des aiguilles et poinçons de pierre à usage médical, appelées Bian, et qui préfiguraient les premières aiguilles d’acupuncture. La cautérisation (dont est dérivée la moxibustion), est un autre usage médical primitif qui a accompagné la découverte et le contrôle du feu par ces premières sociétés tribales (acupuncture se dit en chinois Zhen Jiu Fa : « méthode des aiguilles et des brûlures »). Quant aux premières ventouses, également utilisées en acupuncture, elles remontent au néolithique : on utilisait des cornes d’animaux chauffées et appliquées sur la peau pour y créer un vide afin de purger les maladies.

Au fil des siècles, les aiguilles d’acupuncture ont suivi l’évolution de la civilisation chinoise et de sa technologie : aiguilles de plus en plus fines, faite de pierre, d’éclats d’os ou de bambou (l’idéogramme Zhen, qui désigne l’aiguille d’acupuncture, comporte toujours la clé représentant le bambou). A la fin du néolithique (vers 2000 av. J-C) apparut la poterie, et avec elle, des aiguilles d’acupuncture en céramique. L’usage d’aiguilles de métal n’apparut qu’avec l’âge du bronze (Dynastie Shang, vers 1600 av. J-C) et se poursuivit à l’âge du fer, période où se développa la métallurgie, avec des techniques permettant de maîtriser le fer et l’acier. Ainsi, à  l’époque des Royaumes Combattants (500 av. J-C), les aiguilles étaient déjà faites d’un acier fin et de très bonne qualité. C’est à cette époque que furent décrites dans le Nei Jing les « 9 aiguilles traditionnelles », toutes couramment utilisées à l’époque, et que nous retrouvons encore aujourd’hui sous diverses formes. Plus tard encore, vers 200 av. J-C, apparurent des aiguilles faites d’or, d’argent et de divers alliages. Toute cette évolution prouve déjà une chose : ce n’est visiblement pas le matériau des aiguilles qui conditionne l’action principale de l’acupuncture, comme aiment à le faire croire ceux qui ramènent l’acupuncture à une seule action électrique.

De nos jours, les aiguilles sont faites en acier inoxydable : elles sont à la fois résistantes, souples, ne rouillent pas, et sont d’un coût bas. Leur manche est souvent en cuivre, afin de permettre une meilleure transmission de la chaleur lorsqu’on y adjoint la moxibustion. Les aiguilles d’acupuncture sont aujourd’hui fabriquées industriellement, destinées à usage unique pour  des raisons d’asepsie (même si, dans la réalité, leur corps plein limite considérablement tout risque de transmission virale, à la différence des seringues).

 

Un mode d’action naturel, mais toujours discuté

Depuis quelques 25 siècles, l'acupuncture a eu tout le temps de faire les preuves de son efficacité. C'est du moins ce que semble penser un bon tiers de l'humanité, qui continue de l'utiliser couramment. Toutefois dans nos pays, la question de la scientificité de cette méthode reste toujours d'actualité, et des débats houleux continuent d’avoir lieu dans les milieux médicaux au sujet de son mode d'action supposé. Officiellement, elle n'est au mieux qu'une technique neurologique d'appoint dans le traitement de la douleur. Au pire, un procédé à l'action essentiellement psychologique. Que bon nombre de médecins ne se privent pourtant pas de pratiquer, avec la bonne conscience de répondre à la demande des patients, mais tout en conservant le "réflexe antibiotiques" à la première hésitation...

 

 Alors, comment agit-elle, au juste, cette mystérieuse technique ? Observons la terre. Voyons-la comme un organisme vivant, parcouru de fleuves et de rivières qui sont ses artères et ses veines, de climats qui sont ses émotions, de forêts qui forment son système pileux, et de montagnes qui représentent ses protubérances osseuses. 

La terre est parcourue de forces magnétiques et telluriques, qui accompagnent les mouvements de ses mers, de ses rivières, de ses volcans. Si ces forces ne sont pas visibles en elles-mêmes, l'instinct des sourciers, à l'instar de celui de la plupart des animaux, a démontré que l'on pouvait les détecter et en ressentir les effets. Est-ce chose si difficile à concevoir, qu'il puisse en être de même pour le corps humain, produit de cette terre ? N'est-ce pas d'ailleurs par analogie entre l'homme et la terre que ces courants ont été nommés "méridiens" dans notre langue (même si le terme n'est pas le mieux choisi, puisqu'il évoque quelque chose de fictif) ?

Le débat « scientifique » sur l'acupuncture nous place dans une situation paradoxale, inverse à celle qu'a pu connaître en son temps Galilée. Lui qui eut le plus grand mal à convaincre les savants de l'époque que la terre n'était ni plate, ni le centre de l'univers, aurait-il pu imaginer que, bien des siècles plus tard, ce seraient des théories anciennes, établies depuis des millénaires, qui viendraient créer la controverse et déranger nos belles certitudes matérialistes ?

 Un méridien d'acupuncture est donc un courant d'énergie. Tout comme le courant d'un fleuve, qui lui donne sa force et peut, si on l'exploite, fournir de l'électricité. Chacun des "14 fleuves" principaux qui parcourent le corps a pour source profonde un organe.

Prenons par exemple le fleuve appelé "Ren Mai", ou vaisseau de la conception. Ce méridien remonte sur la face antérieure médiane du corps, depuis les organes génitaux jusqu'à la bouche, en passant par le nombril et le plexus. Ce méridien a pour source l'utérus, appelé en chinois "chambre du sang". D'où son nom de vaisseau conception : c'est sur son trajet qu'apparaît la fameuse "ligne brune" chez la femme enceinte. Cette ligne traduit l'état de plénitude de ce méridien pendant la grossesse.

Quant à l'homme, qui n'a pas de "chambre du sang", à quoi lui sert ce méridien ? A lui fournir une partie de son système pileux : en effet, le sang de son méridien, au lieu de se jeter dans une mer du sang purgée à chaque marée lunaire (cycle menstruel), remonte le long de ses berges pour irriguer une végétation typiquement mâle, allant du pubis au thorax et à la barbe. Cette végétation apparaît chez le garçon en même temps que les règles chez la fille. Certes, tous les hommes ne sont pas également velus : tous n'ont pas le même "débit fluvial". Nous pourrions dire des hommes imberbes que s'il avaient été des femmes, leurs règles auraient été peu abondantes (nous laisserons au lecteur le soin de deviner, à partir de ce qui vient d'être dit, quels problèmes gynécologiques devait avoir la femme à barbe...) Enfin, si l'homme n'a pas d'utérus, il a une prostate, appelée en chinois "chambre du sperme". Et les points du Vaisseau Conception sont, pour cet organe, de la même importance que pour le fonctionnement de l'utérus chez la femme.

A présent que nous avons fait un peu mieux connaissance avec l'un de ces "longs fleuves tranquilles", véhicules de la vie dans l'être humain, parlons un peu des points d'acupuncture. Que sont-ils et comment agissent-ils ? Regardons à nouveau ce qui se passe sur terre. Le débit des fleuves est contrôlé par des barrages, naturels ou artificiels, formant des lacs de retenue tout au long de leur parcours. Ces lacs sont des réservoirs d'eau et d'énergie. Lorsque les barrages cèdent ou sont artificiellement ouverts, ces réservoirs se déversent dans les fleuves, augmentant la production de courant et permettant d'irriguer la terre. Les points d'acupuncture sont assez semblables à ces réservoirs, présents à chaque accident du relief musculaire sur le trajet d'un méridien. Des appareils modernes permettent d'ailleurs de les localiser : à l'emplacement d'un point d'acupuncture, la résistance électrique est moindre qu'en d'autres endroits de la peau. La stimulation de ces points permet ainsi de libérer une énergie, un courant, et faire participer ce courant, par un mécanisme "d'aiguillage" avec d'autres points d'autres méridiens, à un résultat thérapeutique d'ensemble. C'est ainsi que, sur le méridien dont nous avons parlé, une vingtaine de points peuvent être utilisés pour traiter, selon la zone traversée par ce méridien, les troubles menstruels, digestifs, respiratoires ou cardiaques.

Une telle description peut ne pas sembler très scientifique. Mais lorsque la neurologie saura expliquer pourquoi, sur un même trajet nerveux, la puncture de deux points situés à quelques centimètres l'un de l'autre a des effets physiologiques différents ; lorsqu'elle pourra nous dire par quel mystérieux mécanisme la manipulation en "tonification" ou en "dispersion" de l'aiguille sur un même point peut induire des effets thérapeutiques opposés (faire digérer ou faire vomir, faire uriner ou contrôler la miction, faire transpirer ou arrêter la transpiration, etc.); bref, lorsque la médecine occidentale voudra bien remettre ses postulats mécanistes en question, un début de réponse pourra peut-être être voir le jour. Inventeurs des premières boussoles et cartes du ciel, les chinois ont depuis toujours une vision énergétique, vibratoire du monde. L'acupuncture est le reflet de cette théorie. Une théorie que la science, depuis Albert Einstein, peut reconnaître et expliquer. Mais que notre médecine "Pasteurisée" mettra sans doute encore quelques années à rejoindre.

 

Une médecine, des acupunctures

Un jour, une vieille dame avec un problème de santé très ancien vint me consulter en disant : « vous êtes le douzième acupuncteur que je vois ! ». Quand je lui demandai pourquoi elle persistait de la sorte, elle me répondit ingénument : «  Et bien, jusqu’ici, aucun d’entre eux ne m’a dit, ni fait la même chose. Alors, je ne perds pas espoir... ». Autant dire qu’il y a bien des façons d’aborder et de pratiquer l’acupuncture ! Voyons-en quatre principales formes [1] :

L’acupuncture « traditionnelle » fait partie des « interventions externes » (Wai Yong Zhi Liao, incluant également le massage, les manipulations ostéo-articulaires, les emplâtres etc.), qui représente l’une des quatre grandes branches thérapeutiques de la médecine traditionnelle chinoise. Les trois autres branches sont la pharmacopée (Zhong Yao), les exercices thérapeutiques (Qi Gong) et la psychothérapie (Xin Li). En tant que partie intégrante du système médical chinois, l’acupuncture traditionnelle est utilisée dans un esprit commun à l’ensemble des méthodes thérapeutiques, que ce soit en matière de diagnostic ou de traitement. Elle repose sur une vision holistique du patient, qui permet que le choix des points puisse être associé et compatible avec celui des plantes, des exercices ou des mots. C’est d’ailleurs cette compatibilité entre les différentes branches thérapeutiques, articulées autour d’un même diagnostic et d’un même principe de traitement, qui fait toute l’intérêt et la force de la médecine chinoise, au regard des techniques disparates ou à l’hyper-spécialisation des thérapies occidentales. Toutefois, l’acupuncture traditionnelle est loin d’être la seule, ni la plus pratiquée en Chine comme en Occident.

L’acupuncture « chirurgicale » est celle que l’on rencontre au sein des départements d’acupuncture des hôpitaux traditionnels chinois, et qui correspond peu ou prou aux services de neurologie de nos hôpitaux modernes. On y traite essentiellement les maladies nerveuses : séquelles d’hémiplégie ou de paralysies, névralgies diverses, troubles nerveux et mentaux. Cette acupuncture sert accessoirement de méthode analgésique complémentaire à l’anesthésie opératoire. Elle est souvent pratiquée avec des aiguilles de fort diamètre, à des profondeurs parfois spectaculaires, avec adjonction d’électricité (électropuncture) ou de chaleur (moxibustion, lampes à infrarouge). La logique de traitement comme le choix de points y sont relativement standardisés, faisant l’objet de statistiques et de protocoles de séances répétés. Lors des punctures, on recherche souvent une réaction marquée de la part du patient. En fait, cette acupuncture aux accents chirurgicaux associe étroitement la notion d’énergie (Qi) en médecine chinoise à celle de neurostimulation en médecine moderne. Bien qu’elle dispose d’un champ clinique étendu, cette acupuncture s’est surtout spécialisée dans le traitement de la douleur et des troubles nerveux, et a tendance à laisser l’essentiel de la physiopathologie et de la médecine générale interne aux bons soins des autres services, utilisant préférentiellement la pharmacopée. Pour intéressante qu’elle soit, cette forme d’acupuncture reste donc d’un intérêt limité par rapport aux pathologies rencontrées en cabinet privé en Occident. C’est pourtant bien souvent la seule qu’il soit donné de découvrir aux étudiants se rendant en Chine pour y étudier la médecine traditionnelle.

L’acupuncture « réflexe » est une forme d’acupuncture simplifiée, enseignant des techniques faciles à mettre en œuvre et ne nécessitant pas de formation approfondie. Cette acupuncture de recettes, que l’on peut apprendre en quelques semaines, est avant tout destinée à soulager de façon symptomatique les troubles courants. C’est celle pratiquée par les médecins aux pieds nus (Chi Jiao Yi Sheng), équivalent chinois des officiers de santé des campagnes napoléoniennes, formés rapidement sur le terrain afin de courir la campagne pour y soulager la souffrance. Au moment de la révolution culturelle, cette « acupuncture du peuple » enseignée par l’école de la nouvelle acupuncture (Xin Zhen Jiu Pai) a connu un gros essor, et aujourd’hui encore, il existe en Chine des formations en trois semaines... pour des chinois qui viennent ensuite s’installer en occident, avec leurs yeux bridés pour seule garantie d’authenticité. Nous pouvons dire de cette forme d’acupuncture qu’elle ne fait pas partie de la médecine traditionnelle, mais de la médecine populaire[2]. C’est une succédané de cette acupuncture simplifiée que l’on retrouve pratiquée en occident dans des techniques réflexes comme l’auriculothérapie, chez les praticiens qui piquent invariablement la même dizaine de points-à-tout-faire, ou chez ceux qui insèrent rapidement beaucoup d’aiguilles et de manière superficielle. Cette forme d’acupuncture a la faveur d’un certain nombre de médecins acupuncteurs, qui voient en elle le moyen d’apporter un « plus » à leur pratique sans nécessiter la pause d’un diagnostic en médecine chinoise. Il ne faut pas rejeter l’intérêt de ces techniques, dont les effets symptomatiques sont appréciables ; toutefois, d’un point de vue traditionnel, leur intérêt reste limité dans la mesure où elles ne permettent pas de traiter les maladies à leur racine.

 L’acupuncture « d’écoles », ainsi pourrait-on baptiser une forme d’acupuncture à l’opposé des médecines de terrain sus-citées, qui se veut directement inspirée des fondements philosophiques de la médecine traditionnelle chinoise (Yin-Yang, Cinq Elements, théorie des méridiens, etc.), et qui s’est développée indépendamment des autres branches de la médecine chinoise. Au fil de son histoire, la Chine a ainsi vu fleurir de nombreuses écoles d’acupuncture, chacune défendant son interprétation personnelle de la théorie d’origine. Grands amateurs de philosophie, les français ont vite adopté cette acupuncture très conceptuelle, et se sont empressés de l’enrichir à leur manière. Depuis les années soixante, un certain nombre d’entre eux se sont illustrés en développant leurs propre théorie acupuncturale : forme et composition des aiguilles, algorithmes de traitement sophistiqués, systèmes de raisonnement complexes ou réducteurs, chacun y est allé de son inspiration. Et même si la Chine ne peut que détenir le record historique des évolutions de la méthode qu’elle a créée, le moins que l’on puisse dire, c’est que la France est un pays où l’on a des idées, car l’exégèse des textes anciens y a inspiré bien du monde ! Le problème reste tout de même que, derrière la bannière unificatrice de « l’acupuncture traditionnelle » apparaît un florilège d’écoles aux théories parfois incompatibles, voire opposées. De fait, lorsqu’il arrive aux différents « maîtres » de ces écoles de se pencher sur un même patient, ils sont souvent bien incapables de poser un diagnostic commun, ce qui est pourtant ce qu’on aurait attendu d’une médecine holistique. Ce n’est pas une préoccupation bien nouvelle en médecine, que de chercher à laisser son nom à une théorie plutôt que de soigner mieux grâce à elle... mais cette disparité nuit quelque peu à l’image de sérieux que l’acupuncture voudrait en Occident pour se faire admettre en tant que technique médicale à part entière. Il faut pourtant croire que la large tolérance d’action de cette méthode lui autorise quelques excentricités. Et puis, l’inspiration et les idées ne sont-ils pas aussi largement indispensables à toute recherche que le tâtonnement en aveugle ?

L’acupuncture « New Age » répond à une approche de la vie et de la santé en phase avec un vingt et unième siècle qui s’annonce à la fois spirituel et high-tech. Avec cette forme d’acupuncture, l’énergie devient lumière et le soin, action karmique ! Pour aller dans le sens de la non-violence et soigner « l’énergie par l’énergie », les techniques se veulent à la fois plus douces et plus sophistiquées que les rudimentaires aiguilles : lasers, aimants, couleurs, sons ou gouttes d’huiles essentielles appliquées sur les points... Rien ne dit que ce « relookage » de l’acupuncture millénaire, frisant parfois le concours Lépine, lui apporte un quelconque surcroît d’efficacité sur le plan médical. Mais ce n’est pas nécessairement la prétention de ceux qui la pratiquent, et qui se limitent souvent à un nombre restreint de points ou de zones stimulées à partir d’une théorie « maison ». Bref, à défaut d’être la plus thérapeutique, cette acupuncture-là - si toutefois elle mérite encore cette appellation - apparaît sans conteste comme la plus agréable, la plus colorée et la moins dangereuse de toutes. On pourra lui reconnaître au moins deux mérites : celui de ne pas nuire, ce qui n’est pas rien, et celui d’avoir une valeur psychosomatique ajoutée, ce qui est parfois énorme[3]. Médicalement parlant, il semble toutefois plus raisonnable de réserver cette forme d’acupuncture à l’entretien et au bien-être.

Il semble important de faire le distinguo entre ces différents types d’acupuncture, même si, rappelons-le, toutes ont sans doute leur valeur et leur domaine de prédilection. On ne peut véritablement juger l’une d’entre elles comme supérieure aux autres, dès lors que toutes peuvent s’enorgueillir de résultats positifs. Au vu d’approches et de pratiques si différentes à partir d’une même méthode d’origine, cela confirme surtout le fait que l’acupuncture est une thérapie tolérante et peu iatrogène. Du point unique au corps couvert d’aiguilles, elle semble pouvoir être appliquée par différents biais, laissant au corps le soin d’y réagir soit positivement, soit d’ignorer ce qui lui est fait si cela ne lui convient pas. Heureusement, sinon, tous les moustiques seraient acupuncteurs..., ou les patients morts depuis longtemps !


 

[1] cette classification n’a rien d’officiel, ni la prétention d’être exhaustive. Quant aux qualificatifs imagés donnés aux différentes formes d’acupuncture (chirurgicale, réflexe etc.), ils n’engagent que leur auteur !

[2] La même différence existe concernant l’usage des plantes médicinales : d’un côté, des remèdes empiriques connus dans les campagnes, et de l’autre, une phytothérapie traditionnelle élaborée devant reposer sur un diagnostic précis pour permettre des compositions adaptées.

[3] Voir chapitres : « Chamanisme, médecine de l"âme » et « Xin Li, la psychologie traditionnelle chinoise »