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Choisir un bon praticien de médecine chinoise

 

Depuis les débuts timides de l’acupuncture dans les années 50, la médecine chinoise a connu en Occident un développement constant, tel que les praticiens de cette médecine, toutes branches confondues, se comptent aujourd’hui par milliers. Si ce chiffre n’est pas énorme en soi, il suffit déjà à poser question à notre système de santé, qui se doit d’envisager une réglementation professionnelle adaptée à cette médecine. Comme nous l’avons déjà dit, cette perspective n’a pas nécessairement de quoi réjouir : le triste exemple passé de l’herboristerie, sacrifiée sur l’autel de l’industrie pharmaceutique et condamnée à la mort lente en France, peut nous faire légitimement craindre une tentative d’assimilation forcée de la médecine chinoise par le système médical en place. Certains considéreront que c’est là le prix à payer pour garantir au public la sécurité des pratiques médicales. Pourtant, malgré un Ordre des médecins et des pharmaciens censé faire la police en son sein, notre médecine moderne n’est elle-même pas exempte d’escroqueries et de pratiques charlatanesques : l’actualité nous en fournit régulièrement des exemples.

 

Le mythe d’une médecine toute-puissante

Pour éviter les scandales de tous ordres, une solution serait que la déontologie et la pratique médicale soient supervisées et garanties par des associations d’usagers de santé, plutôt que par un Ordre opaque et protecteur datant du gouvernement de Vichy. Encore faudrait-il pour cela que les patients trouvent le courage de se réapproprier leur santé, et de rompre avec une tradition de passéisme et de déférence depuis longtemps entretenue. Cela remonte à loin, si l’on en croit cette citation de Louis Pasteur gravée sur une plaque de marbre à l’entrée de l’hôpital de Reims : “ Je ne te demande pas ton pays, ta religion. Tu souffres, cela suffit. Tu m’appartiens, je te soulagerai. ”[1]... L’émancipation des patients n’est visiblement pas pour demain. Et d’un autre côté, rares sont les médecins qui descendent de leur piédestal pour regarder les malades comme leurs semblables, et les considérer autrement que comme des porteurs de maladies incapables de jugement.

 

Le bric-à-brac alternatif

Face à la médecine officielle monolithique et monopolistique, la jungle des enseignements de médecines “ douces ” en général, et de médecine chinoise en particulier, ont également de quoi inquiéter. Nous assistons depuis quelques années à une floraison d’écoles, autoproclamées université, faculté ou école supérieure pour se donner une légitimité de circonstance. Mais beaucoup servent des savoirs réchauffés sans génie propre, ou encore, sous couvert de tradition, cherchent à ériger en dogmes des théories personnelles. Lorsque l’on voit à quelle diversité et inégalité de pratique mènent ces formations, il y a là de quoi rendre les usagers de santé pour le moins prudents, et quelque peu désemparés face au choix d’un thérapeute.

Je ne me ferai pas juge et partie en cherchant ici à fixer les critères d’une bonne formation. Par contre, dans la mesure où tout médecin est aussi un malade potentiel, j’aimerais, en patient averti, fournir au lecteur quelques repères pour l’aider à déterminer s’il a affaire ou non à un bon praticien de médecine chinoise.

 

De la polyvalence à la cafouillothérapie

Rappelons que la médecine chinoise comprend un ensemble de méthodes thérapeutiques, parmi lesquelles figurent traditionnellement l’acupuncture (Zhen Jiu), la pharmacopée (Zhong Yao), le massage (Tui Na), les exercices (Qi Gong), l’aide psychologique (Xin Li) ou encore les conseils d’hygiène de vie (Yang Sheng : diététique, sexologie etc). Il est normal, et même souhaitable, qu’un ethnomédecin maîtrise plusieurs de ces méthodes, qui sont complémentaires et reposent sur une même logique diagnostique. Cependant, rares sont ceux qui en Occident pratiquent ces différentes branches : l’acupuncture y a longtemps fait cavalier seul, et la pharmacopée chinoise, qui reste pourtant la méthode essentielle du système médical chinois, ne compte encore que quelques centaines de praticiens.

Ce qui est hélas moins rare, c’est de rencontrer des praticiens qui cumulent des spécialités issues de systèmes médicaux totalement différents : allopathie, médecine chinoise, homéopathie, chiropractie, magnétisme, etc. Autant de sciences ou de pratiques respectables, mais qui reposent sur des approches très différentes du malade et de la maladie. C’est un peu comme regarder une même chose en mettant un œil derrière un télescope, et l’autre derrière un microscope. De quoi flanquer la migraine… Le fruit de ces pratiques a souvent la saveur évoquée par le psychiatre américain Paul Watzlawick : "Le goulasch, c'est très bon. Le chocolat aussi, c'est très bon. Alors forcément, il y a toujours des gens qui croient que le goulasch au chocolat, ce sera encore meilleur!"

Il est bien évident qu’à un certain niveau, toutes les pratiques médicales du monde ont quelque chose à s’apporter les unes aux autres. Cependant, la curiosité dont savent faire preuve ceux qui maîtrisent déjà un domaine n’a qu’un très lointain rapport avec la tendance bien connue des occidentaux à “ innover avant de connaître ”. Comment distinguer la curiosité de surface de la recherche sincère ? Le calcul est simple : si l’on considère que la maîtrise de toute discipline demande au minimum une bonne vingtaine d’années, il ne devrait logiquement pas y avoir de “ polypraticiens ” sérieux de moins de 60 ans... avant cet âge vénérable, on a donc les plus grandes chances de tomber sur ce que l’on nomme gentiment des “ cafouillothérapeutes ”.

Il serait faux de croire que la cafouillothérapie est une pratique réservée aux marginaux de la médecine. Au contraire, nos carabins détiennent la palme, lorsqu’ils prescrivent ensemble des traitements aussi parfaitement antagonistes que l’allopathie et l’homéopathie. Où lorsque, amoureux à la fois de bricolage et d’énergétique, ils “ perfectionnent ” l’acupuncture à l’aide de gadgets électroniques, sans songer une seconde à remettre en cause leur diagnostic ou leur principe de traitement. Toujours la sacro-sainte tendance à innover avant de connaître. Mais il y a encore pire. Ce sont ceux que j’appellerais les “ pseudo-cafouillothérapeutes ”, qui pratiquent des méthodes alternatives auxquelles ils ne croient pas, simplement pour arrondir leur chiffre d’affaire. Cela existe même chez les médecins, ainsi que l’a avoué crûment un jeune généraliste dans une conférence à Valence : “ Je fais de l’homéopathie parce que mes patients me le demandent, et que, sinon, ils iraient ailleurs. Mais à mon avis, l’homéopathie, c’est comme la messe : ça marche surtout parce que les produits sont en latin.” Si certains hommes ont la conscience tranquille, c’est parce qu’ils ne l’ont jamais utilisée…

Chez les non-médecins, la pratique cafouillothérapeutique se reconnaît parfois à la profusion des diplômes et d’attestations qui ornent –que dise-je- qui couvrent, le mur du cabinet. Il m’est personnellement arrivé d’en dénombrer plus d’une trentaine chez un même praticien. Si l’on considère, et c’est mathématique, que le savoir a dû subir une dilution proportionnelle au nombre de diplômes exposés, on en déduit que ceux-ci n’attestent finalement que de la superficialité des formations suivies. Ainsi, sans doute, que d’un besoin compulsif de reconnaissance, autre trait caractéristique du cafouillothérapeute non-médecin.

Nous pouvons tout de même supposer que chez beaucoup de praticiens, médecins ou non, le cumul des thérapies part d’un bon sentiment, celui de vouloir aider leur prochain. Ils pensent, avec raison, que plus ils auront d’armes à leur panoplie, plus ils auront des chances d’être efficaces. Mais lorsque la panoplie est hétéroclite, chacune des armes demandant une manipulation différente, il est bien rare qu’ils en maîtrisent finalement une seule. Les cafouillothérapeutes sont victimes du mythe de l’efficacité, comme le sont les collectionneurs d’armes à feu, bien incapables de transpercer un colibri en plein vol. Ce que fait pourtant un pygmée avec son arc sommaire...

 

Le mythe des yeux bridés

Un cliché qui a la vie dure chez de nombreux patients, est de s’imaginer que parce qu’un praticien est chinois, ou plus généralement asiatique, il est nécessairement quelqu’un de compétent. Il s’agit du même type de croyance simpliste qui fait de tout français un expert en vin, ou un grand cuisinier. Est-il nécessaire de préciser que tout ceci est de l’ordre du fantasme ? Bien sûr, le fait de baigner dans une culture facilite l’apprentissage des savoirs qui lui sont liés. Mais ce savoir n’est pas donné en héritage à la naissance. Il faut cesser de croire que la Chine compte 4,2 milliards de sages taoïstes, ou la France 53 millions de gastronomes lettrés ! De telles croyances permettent à beaucoup de se faire des réputations à bon compte. On trouve ainsi en Chine des formations de trois semaines à l’acupuncture ou au Qi Gong, à l’intention de chinois qui veulent émigrer et ouvrir une activité florissante à l’étranger. Il faut en être conscient. Comme il faut être conscient, à l’inverse, que certains grands chefs de cuisine française sont japonais ou américains ! Le seul critère qui compte, c’est le cœur avec lequel les choses sont apprises et pratiquées. Et ce cœur, n’oublions jamais qu’il est de la même couleur chez tous les hommes.

 

Les consultations

En médecine chinoise, chaque patient est une entité, une présence à laquelle le praticien se doit de consacrer toute son écoute. Le Nei Jing dit que la consultation d’un malade doit se dérouler en tête-à-tête, “ en prenant soin de fermer les portes et les fenêtres ”, tant il est vrai que certains entretiens peuvent tenir de la confession. C’est pourquoi un praticien consciencieux devrait recevoir normalement un seul patient à la fois. Il est concevable qu’il dispose de deux salles de traitement, de manière à pouvoir faire face à d’éventuelles urgences, ou encore afin de permettre au patient de se reposer et se rhabiller tranquillement pendant qu’il reçoit le patient suivant. Au-delà, on entre dans une logique de traitement qui n’est plus véritablement traditionnelle. Notons d’ailleurs qu’une telle manière de pratiquer est fort éloignée de ce que l’on peut observer en Chine aujourd’hui, où la médecine chinoise et l’acupuncture sont exercées en milieu hospitalier. Les chinois n’ont sans doute pas le choix. En Occident, par contre, nous avons tout le loisir de pratiquer cette médecine sous la forme qualitative qui était la sienne, il y a quelques 2500 ans, lorsqu’elle était la médecine des empereurs. Si certains praticiens de chez nous travaillent à la chaîne dans des boxes séparés par un simple rideau, laissant parfois aux patients le soin de retirer eux-mêmes les aiguilles lorsque sonne la minuterie, c’est bien par choix commercial de leur part, et non la preuve d’une quelconque efficacité : un médecin réellement efficace ne voit pas s’accumuler ni revenir indéfiniment ses patients. Après le mythe de l’efficacité, attention à celui de la salle d’attente bien remplie...

La durée des consultations est un autre sujet à question. Est-il normal de ne rester que cinq minutes en consultation, ou de n’en ressortir qu’au bout d’une heure et demie ? En fait, il est difficile de fixer une norme à ce sujet, car la durée d’une consultation dépend de beaucoup de paramètres. Disons que, pose d’aiguilles incluse, une consultation de médecine chinoise peut osciller entre une demi-heure et une heure. En dessous de cette fourchette, cela semble un peu expéditif, et au-delà, pas très efficace. Mais encore une fois, la durée n’est pas un critère absolu de qualité des soins : tout dépend de la façon dont ce temps est rempli.

Il en va de même pour la fréquence des consultations et des traitements : celle-ci peut varier énormément en fonction des pathologies. Les maladies aiguës demandent des interventions rapprochées et la révision fréquente du diagnostic, tandis que les maladies chroniques se traitent sur un plus long terme et autorisent un suivi plus espacé. Une angine ou une forte fièvre traitées en acupuncture peuvent par exemple nécessiter trois à quatre séances par jour. Hormis de telles situations, dans nos pays, l’espacement moyen des consultations d’acupuncture est couramment de l’ordre de une à deux fois par semaine au début, après quoi les séances peuvent être progressivement espacées une fois les premiers signes d’amélioration obtenus. A la différence de l’acupuncture, la pharmacopée est une méthode qui laisse davantage d’autonomie au patient, et autorise des consultations moins fréquentes. Attention toutefois à ne pas céder à la tentation de l’automédication, ou à celle de se faire prescrire des traitements par téléphone pour éviter de payer une consultation. Même s’ils sont moins violents que les médicaments chimiques, les remèdes chinois peuvent avoir des effets secondaires s’ils ne sont pas prescrits adéquatement, et un suivi thérapeutique sérieux est indispensable pour leur bonne utilisation.

Quelque soit la fréquence des consultations, celle-ci ne doivent pas faire l’objet d’une pratique routinière. On peut reconnaître un bon praticien au fait qu’il réévalue à chaque consultation la situation clinique de son patient. Trop de praticiens ont tendance à renouveler leur prescription ou leur séance d’acupuncture sans se donner la peine de réexaminer leur patient. Au cours de cet examen, il y a généralement la fameuse prise du pouls sur l’artère radiale, ce “ pouls chinois ” qui fait l’une des spécificités du diagnostic en médecine chinoise. Cette technique requiert un minimum de concentration de la part du praticien. C’est pourquoi, pour être sérieuse, la prise du pouls doit se faire en silence, et dure parfois quelques minutes.

Tout médecin qui se respecte commence par poser un diagnostic avant de prescrire un traitement. Un bon praticien doit en outre être capable d’expliquer son problème au patient, et le faire en termes simples : ce qui se conçoit clairement s’énonce de même. Le fait qu’il s’agisse de médecine chinoise ne doit pas être une excuse pour éviter de fournir des explications : il me semble que le mécanisme d’une congestion de l’énergie, d’un vide de Yin ou d’une accumulation de mucosités n’est pas moins accessible à notre raison occidentale que les résultats d’analyses de nos laboratoires. C’est une simple question de pédagogie, et de respect du patient. Dans le même ordre d’idées, un bon praticien devrait, à partir du moment où il a compris le problème de son patient, pouvoir donner quelques conseils associés au traitement, afin d’offrir au patient la possibilité de participer activement à sa propre guérison. N’est-ce pas ce que fait tout bon garagiste, lorsqu’il nous rend notre voiture après révision, et qu’il nous donne quelques conseils judicieux de conduite ou de vigilance ?

 

L’acupuncture

S’il vous prenait un jour l’idée d’expérimenter coup sur coup une dizaine d’acupuncteurs différents, vous seriez sans doute étonnés de constater que vous n’aurez à peu près jamais droit au même traitement. Et sans doute, pas toujours au même diagnostic non plus. Ceci est dû à la multiplicité des théories existant en acupuncture, ainsi qu’à la grande tolérance d’action de cette méthode. Partant de là, il est assez difficile de définir une pratique correcte de cette discipline. Essayons simplement de nous en tenir aux généralités.

Un traitement d’acupuncture traditionnelle comporte généralement peu de points. Disons que la moyenne se situe autour de 3 à 10 aiguilles par séance. Certains traitements d’urgence peuvent nécessiter davantage de points. Du côté des extrêmes, il existe des praticiens “ unicistes ” qui ne piquent qu’un seul point par séance. D’autres couvrent littéralement leurs patients d’aiguilles, les allongeant éventuellement dessus pour faire la même chose au verso. Ces deux formes de pratique ont chacune un mode d’action limité, et ne sont pas traditionnelles.

Il faut également se souvenir que les points d’acupuncture ne sont que des projection en surface, des puits permettant de gagner des trajets principaux d’énergie qui, eux, circulent bien en profondeur, au niveau des os et des muscles. L’insertion des aiguilles doit donc être généralement assez profonde pour s’avérer efficace. Beaucoup de points ont une profondeur variant entre 5 mm et 1,5 cm. Cependant, certains praticiens ne font que “ picoter ” les aiguilles en surface de la peau, les laissant pendre, et parfois tomber toutes seules (ce sont souvent les mêmes qui mettent beaucoup d’aiguilles. Par compensation sans doute ?). En agissant ainsi, ils ne peuvent manipuler les aiguilles, et donc agir sur l’énergie. Il faut donc s’attendre à ce que les résultats d’une telle pratique soient, eux aussi, superficiels et peu durables.

La manipulation des aiguilles est l’un des critères importants permettant d’obtenir une action thérapeutique en acupuncture. Un praticien consciencieux “ travaille ” généralement les aiguilles qu’il met en place. Soit en les manipulant, soit en y appliquant des techniques particulières, comme la moxibustion (cautériser ou chauffer les points), la saignée, les ventouses, etc. Ces manipulations sont cependant plus douces que celles appliquées en Chine, car les patients occidentaux n’y sont pas habitués, et s’avèrent généralement assez réactifs et sensibles. Il n’est vraiment pas besoin, chez nous, de recourir à des méthodes aussi spectaculaires ou traumatisantes que les transfixions ou les cautérisations avec formation de cloques, pour obtenir un effet thérapeutique. Là encore, entre les aiguilles qui tiennent à peine à la peau, et celles qui traversent le corps de part en part, il est raisonnable d’opter pour un juste milieu : celui, à priori, où circule cette énergie sur laquelle on prétend agir...

Dans un passé récent, d’autres méthodes sont venues s’associer à l’acupuncture, comme l’électricité, le laser ou les faisceaux de couleur. L’électricité, notamment, est assez couramment utilisée en Chine, dans la mesure où elle peut remplacer une manipulation prolongée en stimulant l’aiguille en permanence. Mais cette technique est surtout utilisée de manière symptomatique, notamment dans le traitement des douleurs ou des paralysies. Elle n’apporte pas grand-chose au traitement lorsque celui-ci vise le rééquilibrage des fonctions organiques. Même chose pour la laserothérapie ou la chromothérapie, qui bien qu’elles donnent un air scientifique et “ nouvel âge ” à l’acupuncture traditionnelle, ont encore à prouver leur réelle efficacité.

Pour en terminer avec les aiguilles, rappelons enfin que, même si la médecine chinoise n’a pas la phobie des microbes, il est aujourd’hui indispensable de respecter les règles élémentaires d’asepsie, comme l’utilisation d’aiguilles stérilisées et jetables. Il y a beaucoup à dire sur les problèmes croissants d’immunodéficience dont sont victimes les occidentaux[2], mais puisque telle est la situation, les praticiens n’ont d’autre choix que de s’y adapter.

 

La pharmacopée

Bien que cette méthode soit la plus importante du système médical chinois, rares sont les praticiens occidentaux qui la connaissent et l’utilisent. De plus, l’importation des plantes médicinales chinoises n’est pas chose aisée : allez faire comprendre aux douaniers que la graine de Cannabis n’est pas une drogue dure, mais un laxatif doux...

Plus encore que pour l’acupuncture, la pharmacopée demande un diagnostic précis (toujours en médecine chinoise, s’entend), car les risques d’effets secondaires en cas de traitement inadapté sont plus grands. Par ailleurs, certains spécialistes, comme le Dr Auteroche, vont jusqu'à considérer que la pharmacopée chinoise est “ inutilisable en l’état ” en France. Dans l’absolu, c’est sans doute vrai. Cependant, on peut se demander si les médicaments modernes, avec leurs nombreux effets indésirables, ne méritent pas largement la même appréciation ! Il suffit de lire les rapports alarmants du Comité de Pharmacovigilance, pour se convaincre définitivement qu’il est très raisonnable de laisser une certaine marge d’action à la pharmacopée chinoise en France.

Pour simplifier, disons qu’il y a deux principaux types de prescripteurs de pharmacopée chinoise : ceux qui connaissent les plantes, et ceux qui se fient aux seules indications des laboratoires fabricants de formules. Un bon praticien de pharmacopée doit être capable de composer par lui-même une prescription adaptée à son patient, et de justifier l’action de chacune des plantes qui la compose. A un niveau de pratique inférieur, mais également admissible, figure le praticien qui ne prescrit occasionnellement que des formules toutes faites, mais néanmoins adaptées à des pathologies classiques, traditionnellement diagnostiquées. En deçà, vous risquez fort d’avoir affaire à un praticien qui a fait sienne la logique de la pharmacie occidentale : si le traitement n’est pas adapté au malade, il n’y a qu’à adapter le malade au traitement. Enfin, vous savez quoi penser des praticiens qui mêlent allègrement pharmacopée chinoise, homéopathie, oligo-éléments, compléments alimentaires, fleurs de Bach, goulasch et chocolat !

La plupart des patients venant consulter en médecine chinoise souffrent de pathologies chroniques ou récurrentes, et sont de ce fait déjà médicalisés. Un praticien attentif vérifiera les traitements déjà pris par le patient, car cela peut considérablement modifier son propre diagnostic et ses choix thérapeutiques. D’une manière générale, il essaiera de s’adapter aux traitements déjà en cours afin de les compléter. S’il estime que certains traitements peuvent poser problème, il commencera par proposer au patient d’en parler à son médecin traitant, avant d’envisager leur suppression. Dans ce dernier cas, il ne le fait pas brutalement.

 

La salle d’attente

Elle témoigne souvent de l’attention que le praticien peut vous porter en tant que personne. Il ne devrait pas vous y faire attendre trop longtemps (la ponctualité est une autre marque de respect), mais vous permettre de vous y détendre un moment avant de passer à la consultation.

Le choix des lectures disponibles en salle d’attente est une autre forme d’attention portée au patient : éclectiques, divertissantes ou enrichissantes, et en matière d’actualité... récentes. Enfin, la propreté et le goût avec lesquels sont arrangés le cabinet et la salle d’attente sont un dernier indice : si vous avez l’impression d’être dans un commissariat de police ou une gare désaffectée, ressortez, ne serait-ce que pour vérifier que vous ne vous êtes pas trompé d’adresse !

 

Le montant des consultations

Sujet tabou ! Mais néanmoins important. Ce montant peut varier en fonction de plusieurs critères : qualité du praticien, durée de la consultation, mais aussi quartier dans lequel le praticien exerce. Inutile de dire que la fourchette est large, et je ne prendrai pas ici le risque de la délimiter : c’est au patient de juger si le prix est en rapport avec la prestation. Logiquement, ce prix devrait être inversement proportionnel au nombre de consultations par heure, ce qui est loin d’être le cas. Certains praticiens justifient parfois d’honoraires délirants comme moyen de sélection de leur clientèle. C’est certainement vrai. Sauf que, comme dirait Pasteur, il n’est pas dans l’esprit de la médecine d’opérer une sélection entre les malades. D’un autre côté, lorsqu’une pratique médicale n’est pas remboursée, dans notre pays, elle semble toujours trop chère. Mais à bien y regarder, elle est une priorité autrement plus importante qu’une séance chez le coiffeur, et pourtant bien souvent inférieure au prix d’une permanente !

 

Le feeling, impondérable mais déterminant

La relation thérapeutique en médecine chinoise est une relation humaine. Alors pour nous aider à choisir un bon praticien, n’oublions pas une dernière chose, essentielle : l’instinct. Ce sens sert de boussole à tous les mammifères, et nous n’y faisons pas exception. L’instinct est un indicateur souvent fiable de ce qui peut être bon ou mauvais pour nous (différent de ce que nous nommons l’intuition, et qui nous trompe plus facilement). Il y a des gens que l’on “ sent ”, et d’autres pas. Et qu’on le veuille ou non, beaucoup de choses découlent de ce premier ressenti, comme le raconte cette histoire ancienne :

Un patient mourant refusait de voir les médecins. Il disait qu’il n’avait confiance qu’en un seul homme. Seul ce médecin célèbre, s’il réussissait à trouver sa maladie, pourrait le guérir. On fit donc venir le fameux médecin. Celui-ci ausculta le malade, et laissa tomber son diagnostic, en latin pour ne pas effrayer le patient : “ ...Moribundus”.

Et celui-ci guérit ..!

Il est des paramètres de guérison qui échappent à la raison, et qu’il serait dommage de détruire au nom d’un pur rationalisme. Bien sûr, cela fait parfois le jeu de quelques praticiens peu scrupuleux. Mais vendre de l’espoir n’est pas toujours le pire des commerces, ni le plus mauvais des calculs. Car votre confiance, quand vous l’accordez, peut devenir un médicament. Par contre, quand vous la refusez, elle peut annihiler le meilleur des traitements. Alors, méfiance : les bons ou les mauvais praticiens, ce sont parfois les patients eux-mêmes qui les fabriquent ..!


 

[1] La proposition inverse existe, au chapitre : « La médecine est une femme », p.

[2] Voir à ce sujet : « Quand la propreté rend malade »